ILS M'ONT
Ma mère disait qu'elle m'aimait
Même si dans la cave
Souvent elle m'enfermait
Même si elle semblait absente
C'est vrai quelle était malade
Qu'mon père beaucoup travaillait
Qu'on savait pas comment la soigner
Quand on est enfant
On pense que c'est pas grave
Que tout ce gâchis un jour s'ra fini
Maman n'est plus là
Papa avec une autre nous a oubliés
C'est moi qu'a dû le remplacer
Et faire de mon mieux
Les gens m'regardaient aller
Certain pensait elle a du courage la p'tite
Mais personne n'voyait dans mes poches
Mes poings serrés,
Ni mes larmes coulées
Et j'ai continué à avancer
De tout mon cœur j'les ai aimés
J'ai appris à cuire des œufs
À conserver du pain
À compter le peu d'argent qui rentrait
À m'arranger avec les huissiers
Qui voulaient tout nous prendre
J'faisais ce que j'pouvais
Du haut d'mes treize ans
J'ai dû prendre des décisions
Qu'on garde ou pas la maison
J'ai dû prendre la décision
Que j'fais soigner ma mère ou pas
Les gens m'regardaient aller
Personne n'a vu mes
Premières gouttes de sang
Personne ne m'a expliqué ce que c'était
Ni quoi faire dans ces moments-là
Et j'ai continué à m'arranger toute seule
Mon frère, ma sœur m'aimaient
Parfois ils m'appelaient maman
Et moi j'voulais tellement
Que j'en serrais les dents
Je les habillais pour les conduire à l'école
On allait à pied on avait pas de bagnole
Les gens du quartier nous regardaient
Mais pas un jamais nous a emmenés
Mes rêves de scolarité se sont envolés
J'ai dû me mettre un jour à travailler
Ça a pas toujours été facile
Dans cette société d'imbécile
Il m'a falllut tout mon courage
Pour garder la tête droite et continuer
Mais souvent la nuit j'pleurais
En pensant à cette enfance volée
Et le dimanche je regardais
les autres gamins aller au ciné
Avec leurs parents manger des crèmes glacées
Et le soir quand épuisée, je rentrais
Souvent la police m'arrêtait
Une fille avec un jean troué
Doit pas mener une bonne vie
Pourtant moi j'faisais c'que j'pouvais
Pour mon tit frère pour ma tite sœur
J'les aimais de mon mieux
J'essayais qu'eux manquent de rien
Et puis un jour un homme est arrivé
Avec des fleurs en disant qu'il m'aimait
Mais ma vie était toute déséquilibrée
J'ne savais plus vraiment qui j'étais
Alors j'lui ai dit non, alors j'lui ai dit oui
Avec lui j'suis partie vivre ma vie
Mais il avait eu une belle enfance
Et ne comprenait pas mes silences
Quand il faillait qu'j'parle de mon passé
J'me sentais oubliée
Alors je l'ai laissé tomber
Et puis un autre l'a remplacé
Mais c'était toujours la même histoire
Il ne comprenait pas mes demis-mots
Maintenant je suis vraiment seule
J'dors au milieu d'un parc
Mon frère, ma sœur ont une belle vie
Et j'pense à eux qui m'ont oubliée
La police me court toujours après
C'est vrai que j'ai l'air mal lavée
Mais c'est pas moi qui a volé mon enfance
Papa, maman aujourd’hui venez me chercher
Donnez moi l'enfance dont je rêvais
On m'a volé ma putain d'vie.
Philippe Brasseur
Juillet 2013